Un jardin d'expérimentation
Produire et innover au Potager du Roi
Publié le
L’historiographie de La Quintinie abonde d’illustrations sur le rôle tenu par le Potager du Roi comme lieu d’expérimentation. On pense à la culture sur couches et au développement des primeurs, aux expériences sur la taille fruitière, à la plantation à racines nues et à l’acclimatation d’espèces en vue de les tester, tant sur le plan agronomique que sur le plan gustatif.
Cette dimension, évidemment liée à l’instruction, se poursuit au cours des siècles, par cycles. Il faut attendre Jean-Baptiste Lelieur : le plus important de ses écrits concernant directement le Potager du Roi est sa Pomone française, dont les éditions successives de 1816, 1842, 1851, traduisent des évolutions dans les connaissances et les points de vue.
À l’installation de l’École nationale d’horticulture, Auguste Hardy, puis son successeur Jules Nanot (ancien chef du service des plantations de la ville de Paris), feront du jardin un lieu d’expérimentation, notamment des traitements antifongiques à base de cuivre (bouillie bordelaise) et des traitements sulfocalciques (bouillie nantaise). Nanot implante un laboratoire sur la terrasse du Carré des Grison (dit Saint-Louis aujourd’hui) et développe l’installation des serres, dont le Jardin d’hiver. La collection joue un rôle dans cette visée d’expérimentation. Elle permet de tester in situ résistance, vigueur et productivité des variétés. C’est l’époque où le nombre de variétés d’arbres sera le plus important, en lien avec les besoins de connaissance du moment.
Aujourd’hui, avec la culture de légumes, de plantes aromatiques vivaces, de plantes herbacées et de près de 4 000 arbres fruitiers (140 variétés de poires, 160 variétés de pommes, mais aussi des pêchers, figuiers, abricotiers, pruniers…), la mission confiée à La Quintinie, « nourrir et innover », est plus que jamais d’actualité pour l’équipe des 9 jardiniers du site dans un contexte de changement climatique. L’évolution des itinéraires techniques, engagée depuis plusieurs années avec la mise en place de pratiques agroécologiques (agriculture sur sol vivant, agroforesterie) et la réactivation de pratiques maraichères datant du début du 19e siècle, vise à donner un temps d’avance au Potager du Roi en termes de gestion durable et de transmission.
Sans oublier qu'au Potager du Roi, les futurs paysagistes concepteurs expérimentent, dans le cadre d'exercices pédagogiques, un certain rapport à l'espace induit par ce jardin exceptionnel, rapport qui s'exprime également dans les créations des artistes invités sur le site lors des événements qu'organise ou accueille l'École nationale supérieure de paysage.