David Provost, jardinier au Potager du Roi depuis 1998, se prête à l'exercice d'un entretien pour se présenter. Propos recueillis par Antoine Jacobsohn.

Quel est ton premier souvenir du Potager du Roi ?

Le tout premier ? Mais j'en ai plusieurs. Il y a le ti-punch que le secrétaire général m'a servi lors de ma première visite, mais il faudrait probablement ne pas trop en parler.

J'habitais le foyer de jeunes travailleurs un peu plus haut dans la rue du Maréchal Joffre que j'ai descendue en me posant la question de ce qu'il y avait derrière le mur car je n'avais jamais vraiment regardé à travers les grilles ce qui pouvait se cacher. J'avais juste vu qu'il s'agissait d'une école car c'était écrit sur le bâtiment.

Après un travail de jardinier-saisonnier de trois mois au Château de Versailles à l'automne 1997, je cherchais un travail. Un des autres jeunes du foyer m'avait dit de me présenter au 4 rue Hardy. Alors j'y suis allé sans rendez-vous, un jour en mars 1998. La personne de l'accueil a appelé une autre personne, Madame Mongalvy. Elle m'a dit que l'établissement cherchait bien des jardiniers et nous avons fait un tour du Grand Carré.

Ma première impression, c'est que le jardin est grand, vraiment grand. Je n'avais pas imaginé qu'il y avait autant d'espace derrière ces murs. C'était un peu comme quand on découvre une cour intérieure, invisible de l'extérieur.

Madame Mongalvy m'a alors conseillé de faire parvenir une lettre de motivation et un CV. Je l'ai fait. J'avais 20 ans. Et, la semaine d'après, j'ai commencé avec un contrat jeune : deux jours dans le jardin comme jardinier et deux jours le week-end comme surveillant. C'était en avril.

Je venais des espaces verts. J'étais complètement novice par rapport au Potager. C'était comme une autre planète.

Ma première impression, c'est que le jardin est grand, vraiment grand. Je n'avais pas imaginé qu'il y avait autant d'espace derrière ces murs. C'était un peu comme quand on découvre une cour intérieure, invisible de l'extérieur.

As-tu un endroit préféré sur le site ? En tout cas, là, nous sommes dans les serres, ce qui est un peu ton domaine.

Mon endroit préféré, c'est probablement le carré 5 du Grand Carré. Juste à gauche de la statue de La Quintinie. En ce moment, il passe en système bio-intensif avec la rotation des cultures, ce qui signifie que mon endroit préféré va probablement devenir le carré 6, le carré au sud du carré 5, en bordure du bassin central. C'est là qu'on va continuer de cultiver la diversité des plantes qui se trouvaient au carré 5 : tout à la fois des plantes aromatiques, des fleurs comestibles, des plantes médicinales ou dites magiques. En fait, ce sont les plantes plus que la configuration du jardin qui m'intéresse.

Pour se poser et pour manger un bout, j'irais en premier lieu au 3e des Onze. C'est une parcelle reposante, un peu comme chez un particulier. J'aime aussi la voûte, sous la statue de La Quintinie. Il y a plein d'espaces sympas au Potager.

Est-ce qu'il y a un geste de jardinier ou un outil que tu préfères aux autres ?

La récolte, sans hésiter, sauf pour les haricots parce que c'est trop long. La récolte, c'est la concrétisation de plusieurs mois de travail. L'outil que je préfère c'est la gouge à asperges. C'est à la fois l'outil, qui est simple, en fer forgé et qui n'a pas changé avec le temps, et le fait de récolter les asperges qui me plait. Sinon, j'aime faire les semis. J'aime le début et la fin.

Pourquoi es-tu devenu jardinier ?

L'école n'était pas mon truc. Je n'avais pas d'idée sur ce que je voulais faire. J'avais 14 ans et un conseiller m'a proposé une voie vers les espaces verts. J'ai fait un CAP et ensuite un BEP. J'ai fait trois mois de travail saisonnier au Château de Versailles. 3 mois de ramassage de feuilles avec seulement 2 jours de plantation de plantes biannuelles et bulbes. Malgré un peu de travail à l'Orangerie, j'ai vite déchanté.

Le déclic a été de faire des visites guidées. J'ai été formé par Stéphanie de Courtois, aujourd'hui responsable pédagogique du master Jardins historiques, paysage et patrimoine à l'École nationale supérieure d'architecture de Versailles et initiatrice du premier Nashi, le bulletin de liaison du Potager du Roi au départ.

Comme les autres jardiniers du Potager, tu es un passionné qui prend le temps de chercher des informations en dehors du temps du travail.

J'étais attiré par les plantes ornementales et peu par les plantes alimentaires. Je me souviens d'avoir lu un entretien tout au début avec Christine Dufour où j'ai réalisé que je ne savais vraiment pas grand-chose. Alors je me suis mis à travailler. À ce moment-là, au tout début des années 2000, il y avait Camille Barberi, un autre jardinier, qui devait faire un dossier sur les courges. Mon intérêt pour la diversité a commencé avec les courges avant de passer aux plantes japonaises, aux plantes tropicales et aussi aux piments. Les variétés sont des plantes à part entière. C'est comme des personnes. Chaque variété de tomates est comme une personne différente qu'il faut respecter.

Les variétés sont des plantes à part entière. C'est comme des personnes. Chaque variété de tomates est comme une personne différente qu'il faut respecter.

Un passionné qui aime partager donc.

Raconter ce que nous, les jardiniers, nous faisons tous les jours, oui.  

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