Mathias de Sainte Marie, jardinier en cultures légumières, est arrivé au Potager du Roi en 1998. Propos recueillis par Antoine Jacobsohn.

Quel est ton premier souvenir du Potager du Roi ?

Mon premier souvenir est un peu terrifiant. Je me souviens d'être entré dans la voute, sous la statue de La Quintinie, qui était éclairée par trois ampoules. Il faisait sombre car à l'époque les lieux n'avaient pas encore été restaurés. J'avais un peu d'appréhension face aux personnes présentes, mais ça s'est bien passé avec Christine Dufour et David Provost, des jardiniers qui font encore partie de l'équipe aujourd'hui.

J'avais postulé à une annonce pour un poste en arboriculture fruitière publiée par l'Association nationale pour l'emploi (ANPE). Je n'avais pas connaissance de l'existence du Potager du Roi et j'ai finalement été embauché comme jardinier en cultures légumières. Ça tombait bien. Je n'étais pas encore jardinier mais je savais conduire des engins. J'avais, et j'ai toujours eu, une fibre « écolo » et surtout, je voulais travailler en extérieur. C'était vraiment ma motivation première.

Mon arrivée au Potager devait être seulement une étape et au vu de la diversité des missions à réaliser, j'ai toujours eu quelque chose de nouveau à apprendre, et cela couronné d'une bonne entente au sein de l'équipe. On travaille bien ensemble. Je suis toujours là.

Pour moi, un jardinier c'est quelqu'un qui cultive et entretient des parcs et des espaces verts. Au Potager, on est des jardiniers-maraîchers, des jardiniers arboriculteurs et des jardiniers des fleurs avec une envie de continuer à faire de la greffe et à multiplier les variétés. On est vraiment des jardiniers « quatre branches ».

Est-ce que tu as un endroit préféré dans le jardin ?

C'est le jardin Duhamel. C'est moins structuré, c'est organisé et sauvage en même temps. C'est un endroit où je vais pour m'amuser, je n'y travaille pas. J'aime aller d'un lieu à un autre et je ne fais pas de séparation entre les espaces du jardin. Au fond, c'est un seul et même jardin.

Avec mes quatre enfants, on habite sur place et on a la chance de profiter du lieu plus que les autres. Le fait d'avoir un logement sur place est quand même parfois très compliqué. Cela mélange le privé et le professionnel et il faut apprendre à faire la part des choses. L'autre jour, il a fallu que je déménage très rapidement quatorze ans d'accumulation de vie de famille pour permettre le début de l'installation du chantier de restauration des toitures.

Est-ce qu'il y a un geste de jardinier ou un outil que tu préfères aux autres ?

J'aime jardiner donc c'est tous les gestes que j'aime faire. Je dirais que l'un de mes préférés c'est peut-être « greliner ». C'est un geste efficace et qui n'est pas fatiguant.

Je sais que c'est souvent moi qui fait les gros travaux, qui conduit les tracteurs. Mais ce n'est pas parce qu'on a le permis de conduire qu'on aime conduire. C'est vrai que c'est vite satisfaisant avec un engin, c'est plus rapide qu'à la main. Après le travail à la main est nécessaire, comme l'arrosage et c'est justement cette diversité des gestes jardiniers qui fait qu'on reste. On ne s'ennuie jamais.

Au printemps, je suis toujours content de m'occuper des légumes. On est dans l'action et on voit les résultats immédiatement. Quand on travaille avec les arbres, il faut être plus patient. Les temporalités sont différentes.

Est-ce que tu voudrais rajouter quelque chose ?

Je voudrais parler de ce que j'ai vu changer depuis mon arrivée. Je pense que la mission de service public ne doit pas se perdre. Il faudrait d'abord que le jardin soit un espace pour la pédagogie des paysagistes et pour les étudiants de l'école de paysage. Il faudrait qu'ils aillent au-delà de l'utilisation des espaces pour faire des projets et qu'ils utilisent ce qu'ils apprennent du travail des jardiniers pour faire leurs projets.

Nous devrions aller encore plus vers un paysage comestible. Et avoir une vraie ambition ou une véritable prise en compte du changement climatique. Il y a plus d'enfants dans le jardin et ça fait sens. Il y a une belle réussite avec les jeunes en service civique, mais ça reste des emplois précaires. Dans le jardin peut-être qu'il faudrait faire moins de produits frais et plus de produits transformés, mais alors ça pourrait avoir l'effet de diminuer la diversité de nos cultures.

En tout cas, aujourd'hui, nous avons comme mission de faire comprendre le vivant et chez nous les visiteurs ont de l'émerveillement devant les plantes. Ce n'est pas que le côté esthétique. Aujourd'hui, il faut mettre les plantes et le jardinage au centre de l'activité. C'est un métier d'avenir. C'est le sens de ce que nous faisons en agroécologie, en conservation des sols, de l'approche du sol vivant. On se doit d'être un site modèle.

Il faut continuer à mettre en place des pratiques qui répondent à cette urgence. Des choix restent à faire en fonction de ce qui est prioritaire : l'environnement et notre futur.