Projets travaux d'étudiants, travaux collectifs : La Butte-Rouge à Châtenay-Malabry

Lectures critiques de projets de paysage

Les étudiants ont travaillé sur la cité-jardin de la Butte-Rouge à Châtenay-Malabry afin d'explorer la relation qui lie le bâti aux espaces extérieurs et sa représentation à différentes échelles (ville-quartier-détails).

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Contexte et enjeux

La Butte-Rouge est un ensemble unique de 3 800 logements réalisés entre 1930 et 1965 sur 70 hectares par le paysagiste André Riousse et les architectes Joseph Bassompierre, Paul de Rutté, Paul Sirvin et Pierre Sirvin. Elle offre encore aujourd'hui un modèle de vie sociale et urbaine novateur. Pourtant, la Butte-Rouge est menacée par un projet de rénovation qui autorise jusqu'à 80% de sa démolition et altère son caractère d'origine.

Dans le cadre de travaux dirigés consacrés à l'étude de ce site, nourris de connaissances sur l'histoire du paysagisme urbain de la fin du XIXe siècle à nos jours, les étudiants en 2e année de la formation menant au DEPDiplôme d'État de Paysagiste ont observé les savoir-faire paysagistes mobilisés dans l'aménagement de la Butte-Rouge et les ont interrogés à partir d'une thématique choisie : l'évolution des mobilités, le rapport à la forêt ou à l'avenue principale, l'insertion dans la topographie, l'importance des jardins familiaux et du patrimoine arboré, les systèmes de vues...

Forts de ce travail, ils ont pu mener une réflexion sur le projet actuel de densification du site, lié à l'arrivée prochaine du tramway et par une volonté de « mixité sociale » qui pourrait diminuer la part de l'habitat social. Ils ont ainsi mobilisé dans cette réflexion la part du paysage, qui offre un potentiel majeur aujourd'hui.

Les étudiants, répartis en groupes, ont abordé la Butte-Rouge à travers différents sites, thématiques et problématiques, dont suivent quelques exemples répartis entre tranches historiques du vallon de l'ancien ru et coteau et plateau.

En cette troisième année d'étude sur la Butte Rouge, ils ont exploré quelques tranches initiales et surtout les dernières tranches de réalisation, en limite de la forêt et au bord de l'avenue principale, afin de compléter leur cartographie du paysage de la cité-jardin. Mission accomplie !

Site d’étude 1 - le long de la rue Robert Hertz, issu de la première tranche de construction (1931-1933)

Comment le bâti de la première tranche s’inscrit-il dans le relief à différentes échelles ?

Projet réalisé par Théo Fumagalli, Alexis Itel, Josselin Millière et Sylvain Roches.

La zone d'étude comprenant les rues Robert Hertz, Benoît Malon et Emile Durkheim nous plonge au cœur des premières phases de construction et nous ouvre à une structure urbaine en état d'usage avec en filigrane une pensée moderniste des années 1930.

En lisière de forêt, dans un vallon en double-pente, et au sud de la cité-jardin, sa situation géographique offre une configuration atypique et astucieuse, conjuguant l'inscription dans la pente avec un cadre paysager semi-forestier.

Les rues et les logements, à la fois sociaux et individuels, suivent les courbes topographiques, créant une cohérence architecturale sans impacter le paysage. La rue Robert Hertz s'inscrit le long de l'ancienne rue de Châtenay et forme une irrigation aux logements et se rapproche ainsi du fonctionnement d'une rivière.

Des traverses permettent d'accéder aux différents étagements avec des talus aménagés et constitués d'escaliers, de murs de soutènement et des bandes de végétation. Les ouvertures visuelles, qui se créent entre les deux pignons des logements, permettent de lier la rue Robert Hertz aux espaces communautaires. Des claustras en bois (peint en blanc) marquent la frontière entre l'espace public de la rue et l'espace résidentiel où se trouvent des zones de stationnement.

Site d'étude 2 - le quartier des Aviateurs nord, issu de la troisième tranche de construction (1948-1950)

Comment la prise en compte des qualités paysagères de la cité-jardin de la Butte-Rouge peut permettre de penser sa réhabilitation ?

Aviateurs nord : Un ensemble aux qualités incomprises en voie de réhabilitation, projet réalisé par Ulysse Bedu, Colin Boitel, Pierre Busson, Oscar Brunet, Pablo Domon.

Le quartier des Aviateurs nord se situe sur un plateau surplombant le vallon de la première tranche de construction. Édifié entre 1948 et 1950, la troisième tranche comprenant le quartier des Aviateurs nord fut pensée comme un ensemble formant une succession de closes autour d'une impasse végétalisée piétonne.

Aujourd'hui, la qualité des espaces extérieurs en relation avec le bâti semble avoir été conservée. L'ensemble est caractérisé par des espaces ouverts enherbés et plantés d'arbres et arbustes d'une grande diversité. La trame végétale lie le quartier à la forêt de Verrières tandis que les nombreuses ouvertures créent une continuité avec l'Avenue de la division Leclerc.

Dans le contexte du Grand Paris, la construction du tramway sur l'avenue, couplé à la volonté d'adapter la cité aux besoins contemporains, font des Aviateurs nord, un lieu au cœur des réflexions de réhabilitation. En réponse aux propositions de projet, il a semblé nécessaire aux étudiants de mettre en avant les qualités et la spécificité de cet ensemble en cherchant à montrer comment la prise en compte des qualités paysagères peut permettre de penser la réhabilitation de la Butte-Rouge.

Comment s’articule le quartier des Aviateurs nord avec les avenues adjacentes ? Quelle urbanité sur l’avenue ?

Le quartier des Aviateurs nord, habiter entre l'avenue et le close, projet réalisé par Vincent Bernard, Emilie Boyard, Arnaud Laval et Anthéa Rousseau.  

L'étude porte sur le secteur des Aviateurs nord qui se trouve à l'ouest de la cité-jardin de la Butte-Rouge. C'est un point d'entrée et de sortie de la cité-jardin vers la ville marquée par une tour gratte-ciel. Les Aviateurs nord ont été réalisés pendant la troisième tranche de construction de 1948 à 1950, et complétés par l'église lors de la 7e et dernière tranche, entre 1963 et 1965. Depuis l'avenue de la Division Leclerc, les immeubles rosés font front. Sur le plateau, l'implantation des bâtiments respecte la forme originelle des « closes ». La déambulation du piéton dans le quartier est douce, un soin est porté à la diversité des formes et architectures des bâtiments qui constituent des identités singulières. Les cœurs d'îlots, largement boisés, participent à la vie sociale de l'ensemble urbain.

La principale caractéristique du quartier est l'importance des espaces verts qui permettent une lisibilité de l'espace évidente. Les parterres enherbés mettent en retrait l'implantation du bâti par rapport aux avenues. De vastes espaces plantés d'arbres remarquables au cœur de l'îlot participent au jeu des vues et à l'affirmation d'une identité.

Les cheminements sont nombreux, permettant la déambulation des habitants. Chaque entrée de bâtiment est desservie par un chemin qui mène à la voirie. Le parvis de l'église est le seul espace public de grande importance au sein du quartier, bien qu'il ne soit habillé d'aucun mobilier urbain.

L'emprise de la voirie est importante au sein du secteur des Aviateurs nord par la présence d'un large parking devant l'église. Des stationnements sont également présents au rez-de-chaussée des immeubles. La place de la voiture a un impact visuel important sur l'espace public, on note du stationnement sauvage en quantité, dû au développement de l'automobile non pris en compte à l'origine du projet.

À l’entrée ouest dans la cité-jardin, le secteur Cyrano de Bergerac : une insertion difficile

Projet réalisé par Clara Bellenger, Giordano Della Rossa, Leon Giseke et Louise Leygues.

Le quartier Cyrano représente l'entrée dans le quartier à l'extrémité́ ouest de la cité-jardin de la Butte-Rouge. Une zone autour de la place Cyrano de Bergerac définit d'un côté́ le rapport de la cité-jardin aux alentours et, d'autre part, est caractérisée par une insertion difficile d'équipements et de logements rapportés lors de plusieurs phases de construction.

Ces ajouts successifs soulignent des déconnexions spatiales, comme la résidence senior dont l'orientation, à l'opposé du reste du quartier, constitue une césure dans le tissu urbain. En même temps, les équipements parviennent à avoir une relation prudente avec la topographie, particulièrement difficile dans cette zone et s'inscrivent dans la pente.

L'avenue des Frères Montgolfier constitue une liaison piétonne et routière importante, vers le centre du quartier et a une forte identité́ urbaine grâce aux constructions des années 1940 qui l'encadrent.

Site d’étude 3 - le quartier des Aviateurs sud, issu de la quatrième tranche de construction (1950-1952)

Les Aviateurs sud, intimité dans un espace public

Projet réalisé par Maria Chiara Altomare, Maria Elena Laghi, Sarah Scalese, Guillaume Vanhersecke

Le quartier des Aviateurs sud est un espace diversifié par ses closes et ses différents espaces privés et publics. La lisière de la forêt de Verrières permet de délimiter le cadastre de la cité-jardin et de créer différents usages. À cet endroit, les cours et les closes des bâtiments ne sont pas vécus comme des espaces publics pour la communauté mais sont souvent des espaces résiduels ou seulement de passage.

Comment le système de close des Aviateurs sud fonctionne-t-il et quelle relation entretient-il avec la forêt de Verrières ?

Projet réalisé par Lucien Bretillot, Léonore Debray, Pauline Osmond-Nauze et Lindsay Zecchini-Sissoko 

Le quartier des Aviateurs sud se caractérise par sa position de bordure géographique, tant à l'échelle de la Butte-Rouge qu'à celle plus large du tissu urbain de Châtenay-Malabry, aux abords de la forêt de Verrières et de la A86.

On note la relation directe et poreuse, qu'il entretient avec la forêt. Cela passe par l'orientation et les accès du bâti et la présence d'arbres postérieure à la création du quartier.

Sa situation topographique surélevée, sur un plateau qui surplombe le reste de la cité-jardin, fait sa singularité.

Site d’étude 4 - les plots, issus de la cinquième (1955) et de la septième tranche de construction (1963-1965)

Comment la Butte-Rouge s’implante-t-elle sur sa limite topographique ? Comment repousser les limites de la forêt et s’implanter sur un terrain accidenté forestier ?

Projet réalisé par Antoine Alexandre, Lila Broisin-Doutaz, Mickael Deshauteurs-Lascary et Nicolas Grimaldi

En limite haute du site, la déclivité du terrain permet à l'architecte de pouvoir jouer avec les niveaux et étagements. Le relief impacte le choix de construction de plots cubiques avec une faible emprise au sol et une hauteur plus importante.

Dans ces endroits, la végétation est plus développée et semble témoigner d'un choix de conservation lors de la construction de cette partie de la cité. Par la topographie, la végétation vient donc rivaliser avec celle des bâtiments, comme avec l'implantation de cheminements piétons dans ces milieux ouverts. Une relation importante s'établit entre ses deux éléments.

L'architecte profite donc des courbes topographiques plus douces pour implanter les voix de circulation, qui entourent, ici, les bâtis.

Comment l’aménagement du site, tenant compte de sa topographie, créé-t-il une porosité entre naturel et bâti ?

Projet réalisé par Noelyss Aliaga, Eva Liebig, Magali Seiwert et Maurine Boudard

La proximité de la Butte-Rouge avec la forêt de Verrières impacte la composition de la cité-jardin et créé une porosité spécifique se lisant à différents niveaux :

  • celui de la topographie accidentée, caractéristique de celle présente dans la forêt ;
  • celui de la végétation forestière conservée ;
  • celui des micro-espaces favorisant le lien entre espaces extérieurs et intérieurs ;
  • celui du tracé des cheminements sinueux rappelant ceux que l'on pourrait retrouver en zone boisée.

Site d’étude 5 - le quartier des barres, issu de la cinquième tranche de construction (1955)

Pourquoi l’implantation du bâti est-il perpendiculaire aux courbes de niveau ? Ou comment l’intention de profiter d’une orientation du bâti nord-sud est-elle exploitée ?

Projet réalisé par Johanna Taar, Paul Heriere, Thies Klein Ovink, Camille Lataste

Au sud du site, le quartier des barres se situe sur les coteaux en pente douce de la cité-jardin de la Butte-Rouge. Le choix de la disposition des barres, perpendiculaires aux courbes topographiques, est dû à l'orientation par rapport au soleil, privilégiée après-guerre selon les principes de la Charte d'Athènes et donne à voir aux habitants le lever et le coucher du soleil dans les appartements dit traversants. Ces logements traversants peuvent exister grâce à la fine épaisseur du bâti.

Lorsqu'on regarde le quartier, les barres ne s'imposent pas massivement mais on ressent une aération des vues. Cela est rendu possible par la végétation, peut-être moins abondante que dans les autres quartiers, qui parsème les lieux.

Site d’étude 6 - le quartier Lamartine, issu de la cinquième tranche de construction (1955)

En quoi la conception du quartier Lamartine induit-elle une gradation de l’intimité dans l’espace public ?

Projet réalisé par Sébastien Beaussaert, Lucie Folz, Christopher Morin, Nina Rantchor

Le mot intimité provient du latin « intimus » superlatif de « interior » qui signifie « ce qui est le plus en dedans, le plus intérieur, le fond de ». Selon l'Académie Française, le mot intimité veut dire « qualité de ce qui est intime, et par extension, caractère de confiance réciproque des relations sociales ». Ce concept est à la croisée de différentes disciplines comme la sociologie, la psychologie ou l'anthropologie.

Lorsque le concept d'intimité s'applique à l'espace, cela désigne le caractère d'un lieu confortable, familier et protégé de la vie extérieure.

Au fil des époques et en fonction des cultures, les limites du mot intimité ne se sont pas toujours placées au même niveau entre la sphère publique et privée. C'est cette dualité qui est intéressante dans le sujet des logements collectifs où le privé et le public sont fortement liés puisqu'ils se côtoient spatialement.

La Butte-Rouge : comment articuler l’espace en s’appuyant sur des éléments naturels ?

Projet réalisé par Axel Choloux, Aurélie Communal et Nolwenn Jamme 

Site d’étude 7 - le quartier des peintres, issue de la sixième tranche de construction (1958-1960)

Le quartier des peintres : une annexe de la Butte-Rouge ?

Projet réalisé par Clément Anglars, Maureen Bizet-Cauchy, Martin Cellarius et Vincent Houssard

Construit après la Seconde Guerre Mondiale, au regard de quels enjeux et dans quel contexte, le quartier des peintres est-il né ? Quel place a-t-il au regard de l'ensemble de la Butte-Rouge et comment vient-il dialoguer avec la cité-jardin ?

Au regard d'une analyse multi-scalaire de la cité-jardin, il semble que le quartier des peintres ne soit pas une annexe de la Butte-Rouge mais bien une sixième tranche de construction répondant à des enjeux et des esthétiques différents de l'ensemble de la cité-jardin qui, avec la Tour Corot, s'inscrit dans la composition globale et fait disparaître la présence de l'avenue de la Division Leclerc.

En quoi la conception de la sixième tranche permet-elle les traversées physiques et visuelles dans la cité-jardin ?

Projet réalisé par Louise Erb, Agathe Djadla, Louna Main et Manon Marty

La traversée, c'est quand notre regard s'est tout d'abord confronté aux longues barres d'immeubles, longeant et s'intégrant dans une topographie, peu évidente à aménager. Les bâtiments atypiques, aux couleurs chaudes, viennent alors induire le cheminement jusqu'au moment où une ouverture construite à l'aide de pilotis se glisse dans le paysage.

La traversée, c'est alors un passage, ponctuel et dédié aux entrées, permettant de passer d'un côté de l'autre du bâtiment. Une idée ingénieuse de la part des architectes, en jouant ainsi sur les ouvertures des bâtiments, cela a permis de créer des respirations dans le paysage et dans les cheminements.

En s'intéressant aux espaces extérieurs reliant les bâtiments entre eux, un escalier aux marches régulières attire l'attention puisqu'il indique qu'il est l'accès principal à l'immeuble et traverse toute la sixième tranche de manière perpendiculaire aux bâtiments. Divers chemins plus longs viennent également suivre la pente et incitent à la balade à travers les espaces verts.

Loin d'être oppressants, les lieux ont l'avantage d'avoir été travaillés de manière où l'on retrouve de grands espaces ouverts, végétalisés. Les traversées, c'est alors un parcours allant d'un point a à un point b, qu'il soit physique ou visuel.