Projets travaux des chaires : Malves-en-Minervois

Un parc photovoltaïque public exemplaire dans l'Aude en Occitanie

Paysages subtiles et fragiles, les collines sèches du Bas-Minervois portent en elles d'indéniables qualités que le remplissage photovoltaïque peut très vite écraser.

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Contexte

Le département de l’Aude est en première ligne de la transition énergétique. Second gisement de vent d’Europe et territoire ensoleillé à 1300kwh/an/m2. Ce département touristique aux paysages variés et préservés présente des risques très élevés d’appauvrissement, de banalisation, et de perte d’identité sous l’effet cumulatif de centrales mal intégrées. En effet, la Ddtm (Direction départementale des territoires et de la mer), les développeurs publics ainsi que les services instructeurs l’affirment : « Si tous les projets énergétiques sont guidés par la seule conformité aux réglementations en vigueur et aux conditions de rentabilité, sans intégrer dès l’amont une stratégie paysagère : ce département, si beau et attachant, sera défiguré et méconnaissable en 2050. » (COPIL 3)

Il devient alors nécessaire de mener une recherche sérieuse, sur la possibilité de mener des projets énergétiques en adéquation avec les valeurs paysagères qui caractérisent le département, et en premier lieu dans le Bas-Minervois, qui porte cette étude.

Le regard fin et les propositions ingénieuses de Titouan Lampe, guidé par le paysagiste Claude Chazelle, permettent au fil de l'étude d'identifier les objectifs énergétiques, les caractéristiques du lieu, les modes constructifs et le vocabulaire préexistant afin de proposer au Syndicat Audois d'Énergies & du Numérique, à la commune de Malves-en-Minervois et à la Direction départementale des territoires et de la mer de l'Aude, une mise en scène de la géomorphologie.

Enjeux

Paysages subtiles et fragiles, les collines sèches du Bas-Minervois portent en elles d’indéniables qualités que le remplissage photovoltaïque peut très vite écraser. Comment des qualités paysagères peuvent-elles motiver un projet énergétique efficient et harmonieux ? Afin d’y répondre, l'étude a d’abord cherché à identifier les valeurs qui fondent l’identité paysagère du Bas-Minervois. Confirmées en Copil et précisées à l’échelle communale, ces valeurs conduisent à formuler des enjeux de valorisation du paysage local.

C’est au sein de ces enjeux paysagers locaux, et pour en servir la cause, que le projet photovoltaïque doit s’insérer. Il est alors possible de concevoir un projet dont l’implantation et le vocabulaire architectural correspondent à une démarche de valorisation, remettant volontiers en question les « habitudes » déjà prises dans les projets de centrales, pour faire émerger des modèles plus réversibles, bas-carbone, et scénographiques.

Les objectifs multiples d'un projet photovoltaïque dans le paysage

L’arrivée d’un projet photovoltaïque dans un paysage quel qu’il soit n’est jamais banal, mais il peut en revanche banaliser ce dernier. Par l’accumulation d’objets exogènes relevant de signes industriels hors-sols, par la condamnation d’une emprise et sa surveillance ou encore ses répercussions sur l’écosystème, l’installation d’une centrale photovoltaïque n’est pas un acte innocent. Mais il n’est pas non plus un acte sans raison d’être, ni sans potentiel poétique.

Pour mener à bien un projet photovoltaïque dans le paysage, il est d’abord nécessaire de questionner le cadre pré-établi du portage des projets industriels et des opérations foncières généralement pratiqués. Nous préférerons adopter une logique « du lieu » ancrée dans un héritage culturel et naturel, un mouvement géomorphologique, une identité esthétique et symbolique, sans pour autant laisser de côté la recherche de performance inhérente à de tels projets. La performance toutefois, ne se jugera pas à la seule rentabilité de l’infrastructure mais à un ensemble de critères que les commanditaires auront à cœur d’arbitrer. Par dessus tout, un projet photovoltaïque au XXIe siècle doit être conduit dans une recherche constante de multifonctionnalité.

La production photovoltaïque n'est pas une fin en soi

Une infrastructure énergétique a une durée de vie limitée. Pour le photovoltaïque, on parle d’une trentaine d’année. Si certains sites permettent d’envisager une production sur plusieurs générations, il convient pour la plus part de mener des projets / processus, dans lesquels l’exploitation de l’énergie solaire représente une étape du processus, et non sa finalité. Pour cela il faut considérer un projet photovoltaïque dans sa capacité à servir un lieu :

  • par le maintien d’un milieu ouvert (et pâturé) ;
  • par l’apport économique de l’exploitation qui peut servir à financer ou co-financer l’amélioration du site, sa réhabilitation, sa dépollution ;
  • par la possibilité de faire d’une pierre deux coups pendant le chantier et d’optimiser les moyens déployés : « Quitte à faire venir une pelle pour ceci, on va en profiter pour faire cela à côté » ;
  • par la nécessité de développer des voies d’accès, ce qui peut s’avérer intéressant dans certains cas ;
  • par des retombées économiques ciblées via l’investissement dans des filières locales et des savoirs faire précieux au sein du territoire ;
  • par l’apport de connaissances à travers la série d’études liées au projet (paysage, pédo, hydro, environnement...) et leur diffusion à travers des ateliers et des publications faisant suite.

Projet

Des modes constructifs, réversibles, bas carbone, peu impactants

L’idée est ici de proposer un système de construction simple, à partir de matériaux bruts et locaux dont le montage / démontage est facilité par un jeu d’assemblages ayant fait leurs preuves.

L’ensemble n’est pas ancré dans le sol, mais posé sur des pierres stables, existantes ou ajoutées. Le poids de l’ensemble doit garantir sa résistance aux vents.

Nous sommes donc parti sur une base de fûts en bois brut (pas d’usinage), assemblés solidaires, et dont la masse recherchée est définie par les calculs de prise au vent (prochaine étape). Ces troncs sont posés sur des pierres stables, comme le font les japonais, ou les Européens dès le Moyen-Âge, avec plusieurs techniques de pose, suivant que le terrain est naturellement pierreux ou pas. La pose sur pierre évite au bois de pourrir. Des «fermettes» à 35° assemblés en tenons mortaises chevillés s’y imbriquent en série. Ces assemblages sont facilement démontables et ajustables. Les fermettes sont ensuite contreventées, puis les panneaux les couvrent, posés sur liteaux.

Adoption d'un vocabulaire architectural d'ensemble

De nombreux équipements annexes aux panneaux solaires gravitent autour d’une centrale. Les citernes d’eau, les containers électriques, les caméras, les clôtures etc ... Il est important d’adopter un vocabulaire commun à l’ensemble, de sorte que « si un effort est fait pour l’un, il est fait pour tous ».

Cette étude a fait ressortir plusieurs propositions visant à alimenter le débat et les choix d’intégration de ces éléments. La première proposition consiste à faire des contenants (cuve, containers) des marqueurs paysagers assumés. Il serait bon de les habiller et de les placer à des endroits stratégiques, où leurs présence contribue à la mise en scène du paysage, et ainsi jouer un rôle de fabrique.

Le site le plus emblématique pour accueillir une fabrique est la butte ouest : la Grande Butte dont la position agit comme une point de repère important depuis l’ouest. Nous proposons d’y installer une cuve à eau. Placée en hauteur, sur pieds, elle bénéficie de plus de pression. Cette cuve en bois, de 20 à 40m3, semblables aux citernes new-yorkaises n’est pas sans évoquer les tonneaux vinicoles du Minervois. Placée sur un point d’appel en promontoire, cette cuve peut très vite devenir un élément emblématique du paysage.

Les clôtures peuvent être traitées en bois local, suivant des principes forestiers ou agricoles de faire avec les ressources alentours. Pour atteindre les 2m réglementaires, sans trop écraser le paysage, des dispositifs discrets à partir de fils électrifiés peuvent surmonter le bois (vocabulaire agricole). Aucune caméra urbaine sur poteau métallique ne doit être installée. Nous préférerons des caméras de comptage faunistique, discrètement installés sur des arbres, dont l’usage est autant environnemental que sécuritaire.

Mettre en scène la géomorphologie

Inspiré par les processus de formations géologiques des grès affleurants sur site, cette hypothèse propose de mettre en scène sa géomorphologie particulière, en installant les panneaux dans une forme générale d’écoulement qui contourne par le bas les reliefs. Ce dessin exprime un mouvement dans le paysage et n’écrase pas ce dernier par un comblement total de la surface potentielle. Ce dessin a notamment pour effet de se fondre avec le relief et d’apparaître / disparaitre mystérieusement selon les points de vues. La forme d’écoulement invite à questionner les limites préétablies du site d’implantation. Pour suivre le mouvement morphologique, il faut sortir de la parcelle.

Lors du dernier Copil, des remarques relatives à cette proposition induisent de trouver des solutions conservant l’idée de l’écoulement, en minimisant la nécessité de sortir du site. Des ajouts de « bras » photovoltaïques permettent d’augmenter la production. Ces ajouts fabriquent toutefois un paysage plus radical.

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