Projets travaux de recherche : Observatoire de l'entomofaune

Que nous apprennent les insectes du Potager du Roi ?

Mesurer les liens entre changement des pratiques culturales et préservation de la biodiversité grâce à l'observation des insectes sur un site de production agricole classé Monument historique.

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Au printemps 2022, l'École nationale supérieure de paysage a mis en place un Observatoire de l'entomofaune au Potager du Roi. Celui-ci vise à enrichir les connaissances et à soutenir les pratiques en matière de gestion durable de son site historique. Pour cela, le dispositif se concentre sur l'inventaire d'insectes qui fournissent deux grands services écosystémiques, en tant qu’auxiliaires et en tant que pollinisateurs. Ces insectes sont de bons indicateurs des pratiques culturales du fait de leur biomasse et de leur diversité spécifique. L'inventaire, l'analyse et la synthèse des résultats sont réalisés par l’OpieOffice pour les insectes et leur environnement. D'autres recherches menées par le CeremaCentre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement et le CNRSCentre national de la recherche scientifique complètent le dispositif.

Enjeux du projet

Depuis plusieurs années, l'équipe de jardiniers du Potager du Roi s'est engagée dans des pratiques agro-écologiques (agriculture sur sol vivant, agroforesterie), réactivant ainsi des pratiques maraichères d'Ile-de-France du début du XIXe siècle.

L'École nationale supérieure de paysage souhaite disposer d'indicateurs pour mesurer les effets sur la biodiversité de ces changements des pratiques culturales. Or les insectes sont de bons indicateurs des changements culturaux sur un site, que ce soit en termes de biomasse (leur abondance) ou en termes de diversité spécifique (le nombre d'espèces différentes).

Pour l'établissement, il s'agit également d'identifier les enjeux de la présence d'espèces ou de cortèges (séries d'espèces) à forte valeur patrimoniale sur le site du Potager du Roi et aux alentours, ainsi que le rôle du jardin en tant que trame verte et réservoir de biodiversité au niveau du territoire.

Enfin, les connaissances acquises sur les insectes du Potager du Roi peuvent être mobilisées dans les médiations scientifiques et culturelles organisées auprès des différents publics afin de mieux faire connaître et de mieux valoriser leurs fonctions agroécologiques tout comme la notion "d'agro-écosystème".

Objectifs

L’inventaire entomologique réalisé par l'OpieOffice pour les insectes et leur environnement dans le cadre de l'Observatoire de l'entomofaune du Potager du Roi vise à :

  • dresser une première liste des espèces présentes sur le Potager du Roi ;
  • renseigner la potentielle présence d’espèces d’intérêt patrimonial (espèces déterminantes de Znieff, espèces protégées et espèces remarquables) ;
  • renseigner la présence d’habitats à enjeu pour les insectes ;
  • voir la diversité de préférences écologiques au sein de cette communauté ;
  • proposer des pistes de gestion ou d’amélioration de pratiques pour le bon développement des populations d’insectes.

Insectes étudiés

  • Les Apoïdes

    Les Apoïdes sont composés de deux groupes d'insectes : les abeilles sauvages et les guêpes sphéciformes.

    Les abeilles, du fait de leur morphologie (poils branchus sur tout ou partie du corps), de leur alimentation adulte et larvaire exclusivement basée sur les ressources florales (nectar et pollen) et de leur comportement de butinage (fidélité totale ou partielle à une espèce de plante pour la récolte de pollen) jouent un rôle primordial dans la pollinisation. Les sphéciformes, à l’état adulte, sont des prédateurs solitaires, qui capturent divers insectes paralysés au préalable. Ils présentent également un enjeu pour la pollinisation en raison de leur régime alimentaire à l’état adulte basé sur la ressource florale (nectar).

  • Les Syrphes

    Les Syrphes sont les représentants d’une famille d’insectes (Syrphidae) faisant partie de l’ordre des Diptères.

    Près de 500 espèces de Syrphes sont présentes sur le territoire métropolitain. Ils se distinguent par l'agencement de leur nervation alaire, un vol stationnaire et un mimétisme batésien (leur corps rayé de noir et jaune ou encore une forte pilosité évoquent l’allure de certaines abeilles ou guêpes). Au-delà de leur rôle dans la pollinisation, de nombreuses espèces de Syrphes interviennent dans la protection intégrée des végétaux notamment durant la phase larvaire (ce sont des larves dites "aphidiphages", c’est-à-dire consommant pucerons et autres aphidiens) et présentent ainsi un rôle en tant qu’auxiliaires de cultures.

  • Les Lépidoptères

    Les Lépidoptères, soit les « papillons », diurnes et nocturnes, sont un ordre homogène d’insectes holométaboles (suivant un cycle évolutif à métamorphose complète) avec une très grande diversité d'espèces (900 en Ile-de-France).

    Les Lépidoptères adultes sont tous à ailes écailleuses colorées et leurs larves de type chenilles sont phytophages pour l’écrasante majorité. Ils sont donc directement liés à la composante végétale d’un espace. Les différentes affinités des Lépidoptères en font d’excellents bio-indicateurs de la présence et du maintien d’espaces naturels et semi-naturels. D’après KITCHING et al. (2000), le régime alimentaire chez l’ordre des Lépidoptères induit qu’ils peuvent représenter une mesure qualitative de la végétation.

  • Les coléoptères carabiques

    Les Coléoptères sont un ordre d’insectes caractérisés par leur carapace durcie, leur première paire d’ailes coriace et leurs pièces buccales broyeuses.

    Les Coléoptères comptent en France plus de 12 000 espèces, parmi lesquelles les coccinelles, les lucanes cerfs-volants, les cétoines, etc. Les coléoptères carabiques appartiennent à la famille des Carabidae, qui compte 1 056 espèces en France métropolitaine. La présence et la composition de ce groupe sont influencées par les conditions stationnelles, la nature du sol et la biogéographie des espèces. Ils ont des régimes alimentaires variables, parfois phytophages et souvent carnivores. Toutes les larves de cette famille se développent sur ou dans le sol. L’intérêt de les étudier vient de leur rôle d’indicateurs du fonctionnement des écosystèmes et de régulateurs de nuisibles en milieu agricole.

Méthodologie

Afin d'étudier leur présence au Potager du Roi, les Lépidoptères, les Apoïdes et les Syrphes sont inventoriés par recherche et capture au « filet à papillon ».

Pour les coléoptères carabiques, des dispositifs de capture (piège Barber) ont été installés. Il s'agit de flacons enterrés à ras du sol et contenant une solution de conservation (par exemple un mélange d'eau savonneuse et de vinaigre). Ils sont protégés de la pluie par un capuchon en plastique. Les insectes, lors de leur parcours, peuvent tomber dans le gobelet. Ils sont examinés et identifiés par la suite sous une loupe binoculaire.

Afin d'avoir une vision représentative des espèces présentes, plusieurs endroits sont choisis sur le site tandis que des relevés à intervalles réguliers sont conduits dans le jardin lors de la haute saison d'activité des insectes.

    Résultats

    Suite aux relevés menés durant le premier semestre 2022, l'OpieOffice pour les insectes et leur environnement a publié un rapport intermédiaire et un rapport final, tous les deux accessibles en téléchargement ci-dessous.

    Un travail en réseau

    L'inventaire entomologique réalisé par l'OpieOffice pour les insectes et leur environnement est complété par deux autres dispositifs, en lien avec le CeremaCentre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement et le CNRSCentre national de la recherche scientifique.

    Dans le cadre de l'étude des sols de l'agriculture urbaine en Ile-de-France, un projet de recherche doit permettre d'étudier les corrélations entre les résultats obtenus par le CeremaCentre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement et ceux de l'inventaire réalisé par l'OpieOffice pour les insectes et leur environnement. En effet, le CeremaCentre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement souhaite placer des pièges Barber dans d'autres espaces du Potager du Roi pour étudier, non seulement les groupes d'insectes précités, mais l'ensemble de la faune du sol, en lien avec les caractéristiques physico-chimiques des emplacements.

    L'École nationale supérieure de paysage accueille également des expériences menées par le laboratoire du CNRSCentre national de la recherche scientifique « Évolution, génomes, comportement, écologie » (EGCE), basé à Gif-sur-Yvette, sur les insectes pollinisateurs. L'objectif au Potager du Roi est d'évaluer les éventuelles interactions (synergie ou antagonisme) entre le service de pollinisation et la gestion des insectes ravageurs.

    Au début du mois d'avril 2022, des sachets d'exclusion ont ainsi été installés sur certaines inflorescences de pommiers afin de bloquer l'accès des insectes aux fleurs pendant la floraison. Cette exclusion a permis de créer deux lots d'inflorescences : un premier groupe qui a été pollinisé exclusivement par le vent et un second par le vent et par les insectes.

    Pendant le développement des fruits, certains sachets de chaque groupe ont été retirés et d'autres ont été laissés en place jusqu'à la récolte. Il est ainsi possible de comparer les niveaux de dommages occasionnés par les insectes ravageurs sur les fruits pollinisés ou non par les insectes pollinisateurs. Au moment de la récolte, les lots ont été analysés en terme de rendement et de qualité de fruits obtenus.

    La gestion conjointe des pollinisateurs et des parasites en agriculture (Integrated Pest and Pollinator Management - IPPM) est une stratégie récente et demande à être évaluée. Pour le projet, ces observations sont répliquées dans plusieurs vergers d'Ile-de-France.

    Merci à l'OpieOffice pour les insectes et leur environnement pour l'ensemble des informations fournies qui ont permis d'alimenter cette page et à Clémence Riva du EGCE pour sa contribution.

    Publications