Actualités Institutionnel : L'ENSP intègre le réseau ArchiRès
Le réseau national des bibliothèques des écoles d’architecture et de paysage
Par Antoine Jacobsohn et Chiara Santini
Publié le
La partie plus ancienne du fonds libraire, environ 800 volumes consacrés à l’horticulture et à l’art des jardins, est issue de la bibliothèque personnelle d’Auguste Hardy (1824-1891). Fils du jardinier en chef du palais du Luxembourg, Hardy fut initié à la botanique et à l’horticulture au Muséum d’Histoire Naturelle, à la Faculté des Sciences de Paris et à l’École d’agriculture de Grignon. En 1849, il fut nommé jardinier en chef du château de Compiègne et quelques mois plus tard du Potager du Roi à Versailles. À cette époque, le site était le jardin d’essai de l’Institut national agronomique, la première école de l’enseignement supérieur de l’agriculture en France, et Hardy y fut appelé pour donner aussi des cours pratiques d’arboriculture fruitière. L’expérience versaillaise n’allait pas s’interrompre avec la suppression de l’Institut, en 1852. Cette même année Hardy fut nommé à la tête du « Potager impérial » de Versailles par Napoléon III, qui avait récupéré la jouissance de l’ex-domaine royal. En tant que directeur de ce prestigieux établissement, le jeune horticulteur enrichit certainement sa bibliothèque avec de beaux livres sur la culture des plantes et les jardins tels, par exemple, les deux volumes en folio de Les promenades de Paris (1867-73), dont il souscrivit l’envoi par livraison dès leur première parution.
Après la chute du Second Empire, la Potager revint à l’État, qui décida de récupérer la vocation du site, haut lieu de production, d’expérimentation et d’éducation « horticole » depuis l’époque de Louis XIV. Par un décret de l’Assemblée Nationale de 1873, l’École nationale d’horticulture de Versailles (ENHÉcole nationale d'horticulture) vit ainsi le jour. Étant donné la renommée internationale que les cultures du Potager avaient obtenu depuis son arrivée, Hardy fut confirmé à la direction du nouvel établissement. Les exigences pédagogiques liées à la formation des élèves, dont les enseignements théoriques intégraient des cours pratiques, amenèrent à la création d’une bibliothèque spécialisée dans l’horticulture. À la fin du siècle, elle comptait environ 2000 livres (y compris la donation de Hardy) et 500 volumes et collections reliées de journaux et publications périodiques. À l’intérieur de ce corpus, on remarque la présence de quelques ouvrages remarquables de l’art et de la culture des jardins, tels les traités de Jacques Boyceau de la Barauderie (1638), Antoine Legendre (1665), Horace Walpole (1788), Édouard André (1879) et bien sûr Jean-Baptiste La Quintinie (1690).
L’importance de plus en plus grandissante des jardins et des promenades publiques dans l’aménagement urbain, ainsi que le revival du « style français » caractérisant les nouveaux jardins privés et publics à partir de la fin du XIXe siècle, développent la demande, au sein de la formation des horticulteurs, d’une filière spécifique consacrée aux paysagistes. Sous l’intitulé d’« architecture des jardins et de serres », la conception des jardins avait été enseignée à l’ENHÉcole nationale d'horticulture depuis sa fondation par des ingénieurs et de paysagiste de renom tels Jean Darcel (1823-1906), Auguste Choisy (1841-1909), Édouard (1840-1911) et René Édouard André (1867-1942). Leurs cours théoriques impliquaient parfois des exercices pratiques sur le site même du Potager, tels les projets d’aménagement du jardin français ou du jardin de la maison du directeur dont les Archives Départementales des Yvelines conservent des témoignages. C’est par ailleurs à l’époque d’Édouard et de René-Édouard André, paysagistes très connus en France et à l’international, que la section consacrée à l’art des jardins et de la ville de bibliothèque de l’ENHÉcole nationale d'horticulture s’enrichit davantage. Au lendemain de la fin du Second Conflit Mondial, un décret ministériel daté 5 décembre 1945 établit la création d’une « section du paysage et de l’art des jardins » rattachée à l’ENHÉcole nationale d'horticulture. Elle avait pour objectif de former des paysagistes et des ingénieurs paysagistes pouvant intégrer « les équipes qui auront la mission d’établir les futurs centres urbains, les espaces verts, les sites ».
Au début des années 1960, pour développer la connaissance du Potager (classé au titre des Monuments Historiques en 1926), ainsi que pour soutenir cette nouvelle formation des paysagistes, fut créé la « Société des amis du Potager du Roi ». Elle vit le jour à l’initiative de M. Le Guelinel, alors directeur de l’école (devenue en 1961, École nationale supérieure d’horticulture). Entre ses différentes activités - excursions, publications de brochures, visites commentées du Potager – l’association alimenta avec ses dons le nouveau Centre de documentation sur le jardin français qui réussit à réunir une importante collection sur les jardins et le paysage. Grâce aux achats effectués auprès du libraire Léonce Laget, spécialiste de beaux-arts et provenant de nombreuses collections publiques et privées, arrivèrent au Potager du Roi des livres rares sur les jardins et l’architecture française. Il est possible de mentionner les oeuvres de Blondel, de Dezallier d’Argenville, de Schabol, de Le Rouge, d’André, de Fouquier et une importante collection de gravures consacrées principalement aux jardins de Versailles, Chantilly, Marly et d’autres grands domaines du XVIIe et XVIIIe siècles.
C’est par la séparation de la « section du paysage et de l’art des jardins » de l’ENSHÉcole nationale supérieure d'horticulture, que fut créée, en 1976, l’École nationale supérieure du paysage de Versailles (ENSPÉcole nationale supérieure de paysage). Un établissement de formation supérieure avec la responsabilité de diplômer les paysagistes. L’ENSHÉcole nationale supérieure d'horticulture et l’ENSPÉcole nationale supérieure de paysage cohabitèrent sur le site du Potager du Roi jusqu’en 1996, quand l’ENSHÉcole nationale supérieure d'horticulture rejoignit l’École nationale des ingénieurs des travaux de l’horticulture et du paysage (ENITHP) sur le campus d’Angers pour créer Institut national d’horticulture (INH), devenu depuis une partie d’AgroCampusOuest. Partie intégrante du patrimoine du site, la conservation des collections documentaire réunies au Potager du Roi depuis deux siècles est assurée depuis cette époque par l’ENSPÉcole nationale supérieure de paysage, qui perpétue ainsi la vocation de ce haut lieu de l’art et de la culture des jardins et des paysages français.
Ce fonds a été augmenté récemment grâce au don de la collection de Monsieur Pierre-Noël Frileux, enseignant-chercheur en Écologie de renom.