Publications Article : Jour 32 - Ermenonville, Département de l’Oise, France

Un jour, un jardin

L'École nationale supérieure de paysage propose une promenade virtuelle dans les principales créations hortésiennes de France et d'ailleurs, à la découverte d’un jardin ou d’un concepteur qui ont marqué l’art des jardins et de la composition paysagère.

Publié le

Avec Méréville et le Désert de Retz, Ermenonville constitue d’un des témoignages les plus remarquables des jardins pittoresques français de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Conçu par le marquis René-Louis de Girardin (1735-1808), avec le concours partiel du paysagiste Jean-Marie Morel (1728-1810), le jardin a été réalisé entre 1763 et 1776 au sein d’un domaine de 800 hectares, qui a fait l’objet d’un important chantier de drainage et bonification.

Esprit cultivé, proche des Lumières, inspiré par les idées des physiocrates et grand admirateur de Rousseau, Girardin crée un jardin dont la valeur est à la fois esthétique et philosophique. Entrant en résonance avec le paysage environnant, la composition construit un ensemble harmonieux qui touche le sens et l’âme et pousse au renouveau moral. Comme il l’explique dans « De la composition des paysages », petit traité publié en 1777, afin de mettre en scène « les plus beaux effets de la nature », le concepteur ne doit pas agir en architecte ou en jardinier, mais plutôt en peintre et en poète. C’est-à-dire qu’il doit apprendre à transcrire, dans la réalité, « l’effet pittoresque », une démarche de composition basée sur l’articulation équilibrée des contrastes d’ombre et de lumière, des couleurs et des formes, tout en respectant le contexte.

Ainsi, du général au particulier, le jardin s’organise autour de plusieurs « scènes », décorées de fabriques, de grottes et de pièces d’eau, qui magnifient la nature des lieux. Un subtil jeu de renvois, l’aménagement savant des circulations et des points de vue assurent la variété dans l’unité et les liens avec le paysage au-delà les limites du domaine, selon des procédés qui seront abondamment repris et développés par les paysagistes au XIXe siècle.

Parmi les « tableaux paysagers » les plus connus du jardin, il y a certainement l’Île des Peupliers, qui accueillait les dépouilles de Rousseau, décédé en 1778 pendant un séjour de quelques semaines auprès du marquis de Girardin. Le tombeau, dessiné par Hubert Robert (1733-1808), fait immédiatement l’objet d’un pèlerinage romantique. David, Schiller, George Sand, Mme de Staël, le prince de Ligne – parmi tant d’autres – consacrent Ermenonville comme l’un des jardins les plus visités de l’époque.