Actualités Cours, Formation : La grande traversée 2024

Les voyages d’étude ont de longue date constitué des temps forts de la pédagogie du paysage à l’École nationale supérieure de paysage, en contrepoint des enseignements pratiques et théoriques délivrés dans l’enceinte du Potager du Roi. Chaque promotion est accueillie par un voyage inaugural, dont le programme est renouvelé annuellement pour ménager un effet continu de surprise. En début de deuxième année du parcours DEPDiplôme d'État de Paysagiste, la mobilité des effectifs (admissions en équivalence, reconfiguration des promotions après l’orientation Versailles/Marseille, accueil Erasmus) implique de réorganiser un voyage à la fois pédagogique et intégrateur qui a pris le nom, depuis 2021, de « Grande traversée ». En même temps qu’une itinérance, il s’agit tout autant d’un stage de formation introductif à la séquence « Atlas », au cours de laquelle les étudiants abordent l’échelle territoriale du projet de paysage à partir de situations de leurs choix. Les réunir pour une expérience collective constitue donc une nécessité pour les équiper face à la multitude d’enjeux, d’acteurs, de dynamiques qu’ils pourront rencontrer par la suite. Les problématiques du changement climatique et de la résilience des territoires sont particulièrement abordées, en situant les paysagistes dans leur rôle intégrateur et médiateur de la transition.

Le voyage s’ancre dans des territoires connus par les enseignants de l’ENSPÉcole nationale supérieure de paysage, qu’ils soient des terrains de recherche, d’exercice professionnel ou de relations privilégiées avec des acteurs locaux. Pour cette édition 2024, les terrains traversés et les rencontres ont permis aux étudiants de prendre connaissance des situations et enjeux suivants :

• Le Grand site du Marais poitevin avec la problématique du renouvellement de la trame arborée dans le cadre d’un plan de paysage animé par le Parc naturel régional du Marais poitevin.
• La gestion de l’eau à l’échelle du bassin versant, dans un contexte de tensions sur la gestion qualitative et quantitative de l’eau, avec la visite d’un captage pour l’eau potable, d’une ferme caprine pratiquant l’agriculture de conservation des sols puis d’une réserve de substitution.
• Le Grand site de l’estuaire de la Charente, à partir de l’exemple de la ferme expérimentale de Saint-Laurent-de-la-Prée, gérée par l’INRAE, en abordant son système basé sur la polyculture-élevage et en le confrontant à l’évolution prévisible du système d’endiguement.
• Une diversité de pratiques agroécologiques qui transforment peu à peu les paysages de plaines, en particulier grâce à la réintroduction de l’élevage, de l’agroforesterie, de réseaux d’innovation tels que les Civam.
• En Limousin, la gestion des forêts face aux réchauffement climatique et aux pratiques dénoncées par les habitants de coupes à blanc.
• L’aménagement durable des bourgs et des villages, face à la déprise économique, mais aussi dans la multitude d’initiatives locales qui réinventent des modes de vie sur des territoires ruraux dits isolés ou enclavés.
• L’aménagement de sites mémoriels, liés à la résistance, comme au Bois du Thouraud (Creuse) ou au Mont Gargan (Haute-Vienne), où les étudiants sont intervenus directement dans l’aménagement d’un layon, préfigurant un futur chemin de découverte du site.

Plus de trente acteurs ont été rencontrés au fil de cette édition 2024, sur le terrain ou sous forme de conférences proposées en soirée. Une performance collective réalisée sous forme de lectures théâtralisées constitue l’un des temps marquants de ce voyage, en mobilisant écrits littéraires, poétiques et géographiques attachés aux territoires traversés. Les granges de Mazeimard (Creuse), chez Alain et Bernadette Freytet, respectivement paysagiste et herboriste, accueillent cette étape du voyage. Un carnet de bord individuel rassemble la multitude de notes, de dessins, d’expressions collectées au fil des découvertes… ainsi que menus et recettes : depuis 2021, ce voyage est accompagné par le cuisinier itinérant Yassir Yebba, qui assure le service de près de 650 couverts à partir d’une cuisine inventive, inclusive et locale, sous la forme d’une popote de campagne à vocation pédagogique. Une performance culinaire et logistique qui associe les enjeux de transition alimentaire à ceux du paysage.